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France
Élections présidentielles après le « tournant »

Comment Émmanuel Macron profite de l'avantage du sortant pour se faire réélire
Emmanuel Macron

Der amtierende französische Staatspräsident diskutiert mit Verbänden im Maison-Phare während seines Besuchs in Dijon

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picture alliance / abaca | Blondet Eliot/ABACA

« L'avantage au président sortant » – c'est probablement l'aspect qui va le plus influencer le résultat des élections présidentielles françaises de 2022, avec le pouvoir d'achat et le conflit en Ukraine. Le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz voit dans l´agression russe en Ukraine une « Zeitenwende  » - un tournant dans notre histoire. Ce qui est sûr, c´est que ce le facteur « guerre en Ukraine » influe fortement la campagne des présidentielles. À trois semaines du premier tour des élections, les résultats semblent déjà acquis si l´on se fie aux sondages: comme en 2017, le premier tour serait gagné par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, puis au deuxième tour Macron sera élu président.[1]

L´éventail de candidats en lices s'est clarifié en 2022 encore plus tard qu'aux élections précédentes : les candidats d'extrême droite Marine Le Pen et Éric Zemmour – tous les deux à plus de dix pourcent d'intentions de vote dans les sondages – ont réussi de peu à décrocher leur ticket de candidats « officiels » grâce à un pool de parrainages[2]. Emmanuel Macron, a annoncé sa nouvelle candidature en dernière minute par une lettre sérieuse et sobre dans la presse quotidienne régionale.[3] Au regard de la pandémie du COVID-19 et de la guerre en Ukraine, il n'avait pas trouvé de moment opportun pour se déclarer officiellement candidat dans  son style solennel et pompeux habituel. Il profite de sa position de président sortant, et de visibilité apportée par la présidence de la France au Conseil l'Union européenne. De cette façon, Emmanuel Macron ne parle pas à Vladimir Poutine et Volodimir Zelensky au nom seul de la France, mais au nom de toute l´Union européenne ; et peut se mettre en avant comme un stabilisateur, un diplomate en chef, et un protecteur de la démocratie. Autant ce rôle lui est confié par la constitution française, autant ce costume de manager de crise lui va sur mesure.

Les candidates de gauche sont entrées dans la course à l'Élysée également très tardivement. La candidate du Parti socialiste Anne Hildago, et celle du Parti radical de gauche Christiane Taubira risquaient de se battre pour le même électorat. Et malgré le fait que Taubira avait remporté la « Primaire populaire », elle a renoncé à sa candidature. Anne Hidalgo, maire de Paris, ne tire pas profit du retrait de Taubira : ses intentions de vote sont en dessous de 5 pour cent. Jean-Luc Mélenchon qui avait remporté 19,5 pour cent des suffrages exprimés en 2017, a pu rassembler les parrainages nécessaires en dernière minute. Même s'il ne profite pas du soutien de l´ensemble de la gauche radicale, et malgré le fait qu'il ait dû corriger sa position pro-russe très rapidement après le début du conflit, il est le seul candidat de gauche qui se trouve actuellement à plus de dix pour cent d'intentions de votes. Il sera très probablement de nouveau le candidat de gauche le mieux placé à la fin du premier tour, surtout parce qu'il pourrait profiter à la fin du « vote utile » des électeurs de gauche. Yannick Jadot, le candidat vert, qui se trouve à peu près à sept pour cent dans les sondages, est mieux placé que les précédents candidats verts des élections passées, mais ne semble pas être en capacité de renouveler le succès des Verts aux dernières élections européennes.

Les candidats d´extrême droite ont dû, eux, se justifier de leur position pro-Poutine, qu´ils exprimaient avant le début du conflit, en particulier Éric Zemmour qui est le candidat surprise de cette élection. Ce journaliste et polémiste s´est taillé ces dernières années une solide réputation de populiste de droite, notamment à travers les médias dont il se servait. Son annonce de candidature a créé bien des turbulences au sein de la droite nationale, surtout parce qu´il pourrait capter une bonne partie des intentions de vote de Marine Le Pen à son profit. En plus, des cadres et des (anciens) élus du Rassemblement National de Marine Le Pen (dont sa nièce Marion Maréchal) soutiennent le projet politique de Zemmour. La stratégie nationale-populiste du candidat Zemmour attire des électeurs, pour qui le Rassemblement National est devenu trop « modéré », suite à la stratégie de dédiabolisation engagée par Marine Le Pen. « Zemmour toujours » pourrait séduire tous ceux dont la confiance en la classe politique et les institutions est particulièrement abîmée.[4] Il pêche du côté des abstentionnistes et des anciens électeurs de Marine Le Pen. Mais son plus gros réservoir de voix est probablement celui des électeurs « radicalisés » et de la mouvance « anti-système » ; par exemple des (anciens) Gilets Jaunes, des Anti-Vax, ou encore les nationalistes et les identitaires. Le fait d´avoir affirmé plusieurs fois ces dernières années son admiration pour Vladimir Poutine a fait baisser Éric Zemmour dans les sondages ; d´autant plus après s´être exprimé contre l´accueil de réfugiés ukrainiens par la France. Pour l'instant, il est crédité de treize pour cent d´intentions de voix.

Une conséquence de cette légère baisse du candidat est que Marine Le Pen est remontée légèrement. Vu le fait qu'elle aussi était connue comme admiratrice de Poutine, c'est plutôt surprenant. Elle aussi vient de prendre ses distances à l'autocrate russe. Il semble qu'elle ait appris de ses erreurs des dernières élections : son programme économique et social cible plutôt bien les sujets qui occupent les Français. Malgré son manque de modération, et ses positions populistes, elle est ressentie par l´électorat comme plus modérée que Zemmour. Cela lui permet d´attirer les électeurs qui pourrait voir en Éric Zemmour des positions trop radicales, mais aussi des électeurs de droite, peu convaincus par la candidate des Républicains, Valérie Pécresse. Finalement elle pourrait profiter – comme Mélenchon à gauche – du vote utile de droite.

La candidate des Républicains et présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse, a un profil libéral-conservateur. Après un début de campagne prometteur, et une dynamique qui la plaçait au second tour des élections ; elle est aujourd'hui moins bien placée que les 2 candidats d'extrême droite, avec seulement dix pour cent des intentions de vote. Même si elle a gagné les primaires de son parti, elle n'a pas su convaincre tout son camp, et tous les électeurs de la droite modérée. Les Républicains sont toujours divisés entre un courant modéré et un courant plus radical, ce qui se reflète aussi dans son programme. Elle essaye de gagner les voix des modérés autant que des électeurs potentiels de Zemmour et Le Pen. Son programme économique ressemble à celui d’Émmanuel Macron tout en mélangeant une politique sociale avec une politique anti-migratoire. Actuellement, la campagne de Valérie Pécresse souffre de certaines fautes stratégiques mais aussi de ses meetings largement critiqués par les militants des Républicains comme par les commentateurs.

Emmanuel Macron pourrait ainsi profiter, comme en 2017, d'une bonne opportunité pour se faire réélire. Il semble qu'il va réussir à faire jouer à plein son « avantage du président sortant » et de profiter des faiblesses de ses adversaires. Finalement, l'agression de la Russie en Ukraine consolidera les changements du système politique français qu'on a pu observer déjà aux élections présidentielles de 2017.[5] De nouveau en 2022, il va y avoir un deuxième tour entre un représentant du centre progressiste et de la droite nationale. Par conséquent, l’ordre politique bipolaire, qui caractérisait le système politique de la France avec ses représentants les plus importants du Parti Socialiste et des Républicains se voit marginalisé davantage.

 

Daniela Kallinich est politologue. Elle a mené des recherches sur les partis et la politique en France et en Allemagne à l'Institut de recherche sur la démocratie de Göttingen et a obtenu son doctorat avec une étude sur le centre politique en France. Son dernier ouvrage paru : « Le Mouvement Démocrate. Un parti au centre de la politique française. »

[1]Toutes le chiffres citées dans cette article se réfèrent à Cevipof: Enquête électorale française (ENEF) 2022, in: cevipof.fr, URL: https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Enq… [vu le 22.03.22].

[2] Pour participer aux élections présidentielles il faut obtenir 500 parrainages d'élus locaux. Pour des nouveaux candidats (sans partis établis) c'est difficile d'avoir ces parrainages. Pour assurer la participation de tous les candidats dépassant 10 pourcent d'intentions de vote, François Bayrou, le Chef du parti Mouvement Démocrate et partenaire de La République en Marche au parlement, a crée un pool de parrainages. C'était une réaction au fait de ne pas avoir fait (comme promis pendant la dernière campagne) une réforme du droit de vote pour avoir plus de « proportionnelle » dans les élections.

[3] Macron, Emmanuel: Lettre aux Français, in: avecvous.fr, URL: https://avecvous.fr/lettre-aux-francais [vu le 22.03.22].

[4] Cf. Foucault, Martial: Le national-populisme séduit les défiants, in: Le Monde, 19.03.2022.

[5] Ce développement est visible depuis les années 1990 par exemple à chaque referendum sur des sujets d'intégration européenne. Ce clivage politique a été décisif pour la première fois en 2017 aux élections présidentielles, qui sont les élections les plus importantes de la vie politique française.

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