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Le quinquennat de Macron – économie solide, ambiance plombée

Französische Präsidentschaftswahlen
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YingYang via canva.com

Désintéressé, démotivé et démoralisé - voilà comment on peut résumer l'état d'esprit de nombreux Français à quelques semaines des élections présidentielles de 2022. Ni les élections en général, ni leur propre vote ne les intéressent particulièrement, ils sont tout simplement lassés de leur propre situation et l’état des choses en général.[1]  Pourtant, l’ambition de réconcilier les Françaises et les Français avec leur système politique et d'améliorer leurs conditions de vie était à l’origine du projet du président sortant Emmanuel Macron. Comment, ce décalage entre son programme et la réalité, s’explique-t-il ?  Et quelles indications un tel bilan peut-il donner pour les élections à venir ? Tentative d’un bilan.

Rappelons brièvement qu'Emmanuel Macron était parti comme porteur d’espoir au profil réformiste, dépassant le clivage classique de la gauche et de la droite. Il voulait faire avancer l'Europe, renforcer la République et la démocratie, éliminer les abus sociaux, faire des réformes en politique sociales et rendre l'économie plus compétitive. Il a ainsi gagné de nombreux alliés, surtout au centre de l'échiquier politique, mais aussi dans les camps des conservateurs et de la gauche. Avec La République en Marche, il a fondé un mouvement devenu entre-temps un parti qui, quelques semaines après les élections présidentielles, a atteint grâce aux ralliements d’autres petits partis centristes, la majorité à l'Assemblée nationale.

Le mandat de Macron a toutefois été assombri par des événements qui ont eu une influence déterminante sur son agenda politique et qui l'ont amené, lui ou le gouvernement, à adapter son cap, voire à changer d'orientation. On peut citer ici les manifestations des gilets jaunes, l'attentat islamiste contre l'enseignant Samuel Paty et la pandémie du covid 19.

Le thème décisif des élections de 2022 pour près de la moitié des personnes interrogées dans les sondages préélectoraux est une fois de plus le pouvoir d'achat[2] - un thème récurrent de la politique française et un des déclencheurs du mouvement des gilets jaunes. Lorsque les manifestations, d'abord pacifiques et décentralisées, ont pris de l'ampleur à partir de l'automne 2018, Macron a retiré une loi controversée qui prévoyait une taxe carbone. A cela s’ajoute d’une nouvelle forme de dialogue social entre la politique et les citoyens avec le grand débat national. Le comité de citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, était une autre expérience sur le plan démocratique.

Enfin, le mouvement de protestation a amené Macron à s’incliner devant les couches de personnes défavorisées et à annoncer un paquet de mesures financées par la dette en leur faveur. Il s'agissait entre autres d'une augmentation du salaire minimum, d'heures supplémentaires exonérées d'impôts et d'un allègement des retraites.  Le mouvement des gilets jaunes a ainsi donné des impulsions pour un changement de culture politique ainsi que des réformes sociales qui auraient pu renforcer le profil de gauche de Macron et augmenter la satisfaction de nombreuses personnes.

Ces décisions vont à l'encontre de la ligne pro-business de Macron.[3] Avec des mesures telles que la suppression du soi-disant impôt sur les riches et la réduction de l'impôt sur les sociétés, ainsi que ses propos favorables envers les élites et l'économie en général, Macron s'est positionné plutôt à centre-droite de l’échiquier politique. En particulier par les électeurs de gauche, son programme a été perçu comme néolibéral et peu social. Pourtant, les réformes ont permis d'améliorer la situation d'une grande partie de la population, même si les couches les plus défavorisées en ont le moins profité.[4] Il n'est donc pas étonnant que près de la moitié des participants estiment que la France va moins bien qu'au début du quinquennat Macron selon un sondage.[5]  Ceci - combiné à l'insatisfaction subjective de nombreux Français et Françaises - devrait avoir une influence déterminante sur le résultat des élections de 2022. Des études ont tout de même montré que les électeurs heureux pourraient voter à 40 % pour Macron - chez les mécontents, la probabilité n'est que de 10 %.[6]

Pourtant, les chiffres bruts semblent donner raison à Macron et à son orientation économique, [7] malgré les effets de la pandémie de coronavirus : statistiquement, non seulement le niveau de vie de nombreux Français et Françaises a augmenté, mais le chômage, et en particulier celui des jeunes, a baissé. Parallèlement, la croissance économique a jamais été aussi forte depuis cinquante ans, avec environ sept pour cent. La pandémie a toutefois eu pour conséquence que de nombreuses mesures annoncées au départ comme des réformes clés n'ont pas été mises en œuvre comme prévu. Par exemple, la question de la réforme des retraites, virulente depuis des années, a été reportée à un éventuel second quinquennat de Macron. De même, la réforme du statut des chômeurs a été temporairement suspendue en raison des dures conséquences économiques de la pandémie, mais elle est désormais entrée en vigueur.

On ne sait donc pas si les évolutions économiques positives mentionnées, partiellement obtenues au prix de nouvelles dettes publiques, suffiront à (re)conquérir un électorat démoralisé, car malgré de nombreuses réformes favorables à l'économie, de nombreux chantiers sont restés inachevés. A cela s'ajoute le fait qu'un groupe grandissant de la population, qui a d'abord exprimé son mécontentement vis-à-vis de la politique dans les manifestations des gilets jaunes, s'est entre-temps consolidé dans un mouvement plus durable dans lequel se sont rassemblés toutes sortes de mécontents, des anti-vax et critiques du système. Ces citoyens se sont tellement détournés de la politique établie qu'il n'est même plus question pour eux d'un vote protestataire en faveur des extrêmes déjà établis ; tout au plus certains d'entre eux pourraient-ils donner leurs voix au candidat surprise d'extrême droite Éric Zemmour.

En ce qui concerne les thèmes sociétaux, des accents de gauche et de droite ont également été mis en avant. Par exemple, le droit au congé parental pour les pères a été doublé à deux mois et la question de la procréation médicalement assistée a été réglée de manière nouvelle et progressiste.[8]  Mais la loi controversée contre le séparatisme religieux,[9] promulguée à la suite de l'attentat contre l'enseignant Samuel Paty, a au moins des tendances critiques à l'égard de l'islam et a suscité des débats pour avoir mélangé les questions de sécurité et de politique religieuse. Dans le cadre du changement de Premier ministre d'Edouard Philippe à Jean Castex, l’on observe une touche plus conservatrice, ce qui a conduit certains observateurs d’en voir un virage à droite de Macron.

Ainsi, à la veille de la fin de son quinquennat, le bilan reste mitigé. Mitigé en ce qui concerne l’étiquetage politique avec des accents de gauche et de de droite. Mitigé également en termes de résultats avec certaines promesses électorales tenues et d'autres qui sont restées lettre morte. L'économie et une partie de la population s'en sortent mieux, mais au préjudice des couches sociales défavorisées et avec un endettement considérable. Le jugement que de nombreux Français et Françaises portent sur leur président dans les sondages est toutefois clair : Ils sont très déçus. Certes, les trois quarts des électeurs du centre affirment qu'ils voteront sans hésiter. Mais il n’est pas clair s'ils voteront à nouveau pour Macron. En outre, on ne sait pas si le bilan économique et progressiste suffira à récupérer les électeurs perdus, notamment dans le camp de la gauche, ou à les compenser par des voix provenant d'autres camps.

Daniela Kallinich est politologue. Elle a mené des recherches sur les partis et la politique en France et en Allemagne à l'Institut de recherche sur la démocratie de Göttingen et a obtenu son doctorat avec une étude sur le centre politique en France. Son dernier ouvrage paru : « Le Mouvement Démocrate. Un parti au centre de la politique française. »

 

 

 

[1] Cf. Opinionway pour Science Po/Cevipof: En qu(o)i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ?, 01/22, URL: https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/BONNE%20VERSION%20FINALE-1.pdf und Ipsos: Enquête électorale Française (enef) 2022, 02/22, URL: https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/EnEF2022%20vague%205%20-%20Fe%cc%81vrier2022.pdf [consultés le 20.02.22].

[2] Ibid.

[3] Cf. pour plus de détails sur cette perception: Kallinich, Daniela: zur Erläuterung dieser Wahrnehmung: Kallinich, Daniela: Between Polarisation and Moderation. A Closer Look at French President Macron and his "Third Way", Friedrich Naumann Foundation for Freedom 11/2020, URL: https://shop.freiheit.org/#!/Publikation/961 [consulté le 20.02.22].

[4] Cf. von Klenze, Maximilian: Macron hat sich vor allem Zeit gekauft, in sueddeutsche.de, URL: https://www.sueddeutsche.de/wirtschaft/macron-frankreich-wirtschaft-bilanz-1.5525474 [consulté le 20.02.22].

[5] Harris interactive: La perception des Français du bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron, in harris-interactive.fr, 13.01.22, URL: https://harris-interactive.fr/opinion_polls/la-perception-des-francais-du-bilan-du-quinquennat-demmanuel-macron/ [consulté le 20.02.22].

[6] Cf. Foucault, Martial : Vote des classes "malheureuses" : la nouvelle donne de l'élection, in : Le Monde, 12.02.2022. Globalement, les électeurs de Macron sont les plus satisfaits de leur situation avec 65 %, suivis par les électeurs de Valérie Pécresse avec 52 %, Anne Hildago et Yannick Jadot avec 50 %. Les partisans de Jean Luc Melenchon, Marine Le Pen et Éric Zemmour ne sont qu'un tiers à être aussi satisfaits. Avec 25 % d'intentions de vote, Éric Zemmour est également le candidat des "malheureux".

[7] Mais certaines des évolutions positives sont également dues aux réformes de la présidence de François Hollande de 2012 à 2017, Macron ayant déjà pu poser quelques jalons à l'époque en tant que ministre de l'Économie.

[8] Cf. par exemple. Wiegel, Michaela: Künstliche Befruchtung für alle, in: faz.net, 30.06.2021, URL:  https://www.faz.net/aktuell/politik/ausland/neues-gesetz-in-frankreich-kuenstliche-befruchtung-fuer-alle-17415089.html [consulté le 24.02.22].

[9] Officiellement intitulée « Loi confortant le respect des principes de la République ».

Étude sur le centrisme et la "troisième voie" (en anglais))

Voici l'étude sur le sujet en allemande

Zwischen Polarisierung und Moderation

Zwischen Polarisierung und Moderation

Nach fast drei Jahren haben wir uns an den dynamischen Präsidenten Emmanuel Macron in unserem Nachbarland Frankreich gewöhnt. Mit unterschiedlichen Emotionen haben wir von ihm angestoßene politische Impulse, streitbare Reformen und daraus resultierende gesellschaftliche Reaktionen wie die Proteste der Gelbwesten-Bewegung beobachtet, fasziniert seine politische Kühnheit und vielleicht auch manche Ungeschicklichkeit beobachtet.

Allerdings stehen viele auch heute noch vor der Frage, wie Macron, seine Partei La République en Marche und seine Politik eigentlich einzuordnen sind. Medien in Deutschland bezeichnen in häufig als liberal, sind sich einig, dass es sich um einen Freund Europas und Reformer handelt. Doch wie ist sein politisches Profil, sind seine Reformen wirklich zu verorten? Daher sensibilisiert die Studie “für den insbesondere aus einer deutschen Sicht oft missverstandene Liberalismus-Begriff in Frankreich“, so unsere European Affairs Managerin und Leiterin der Frankreich-Aktivitäten innerhalb des Europäisches Dialogprogramms, Jeanette Süß.

In Frankreich wird Macron häufig auch als Zentrist bezeichnet – ein politisches Merkmal das über viele Jahrzehnte hinweg eher für Erfolglosigkeit, Wankelmütigkeit und inhaltliche Profillosigkeit stand. Doch was hat es inhaltlich damit wirklich auf sich? Wer sind die traditionellen Vertreter dieser politischen Tradition und ist ein Präsident, der mit Angehörigen des linken und des rechten Lagers sowie mit Angehörigen der Mitte regiert, wirklich ein Zentrist?

Diese und viele weitere Fragen beantwortet die Politikwissenschaftler Dr. Daniela Kallinich unserer neuen Studie "Zwischen Polarisierung und Moderation - Frankreichs Präsident Macron und sein Dritter Weg auf dem Prüfstand“. Die Publikation ist auf Deutsch und Englisch erhältlich.

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