Daimler Truck montage Sénégal
Un grand groupe allemand ose investir au Sénégal : le coup d'envoi de nouvelles relations économiques ?
À partir de 2026, Daimler Truck assemblera des camions au Sénégal
© picture alliance / dpa | Patrick SeegerAu Sénégal, en Afrique de l'Ouest, c’est les vacances. Les avions en provenance de Paris et de Bruxelles sont pleins, les hôtels sont complets, occupés par des membres de la diaspora africaine et des Européens qui ont découvert depuis de nombreuses années le potentiel touristique de la côte africaine, du Sénégal à la Côte d'Ivoire.
On ne voit pratiquement pas de touristes allemands ici, bien qu'ils soient considérés dans le monde entier comme particulièrement friands de voyages. Cela est symptomatique de l'absence générale de la République fédérale sur le continent africain.
Bien que de nombreuses analyses et prévisions soulignent l'importance économique et sécuritaire du continent, et en particulier de l'Afrique de l'Ouest, pour l'Europe, peu de choses bougent ici.
Un groupe automobile se lance
Une brève annonce parue dans la presse sénégalaise à la mi-juillet a donc d'autant plus retenu l'attention : le groupe Daimler Truck Group, l'un des plus grands groupes allemands, a conclu un contrat pluriannuel au Sénégal.
Daimler-Truck prévoit, dans un premier temps modeste, d'assembler sur place différentes séries de camions pour le ministère sénégalais de la Défense, les pompiers et la police, ainsi que pour une utilisation dans le secteur privé.
« L'économie est la base idéale pour un rapprochement germano-africain » dit Alexandra Heldt, Directrice régionale de la Fondation Friedrich Naumann (FNF)
L'usine d'assemblage devra être construite à Diamniadio, le nouveau centre administratif prévu du Sénégal, situé stratégiquement à mi-chemin entre la capitale Dakar et l'aéroport international. Le projet doit être mené à bien rapidement ; les premiers véhicules pourraient sortir de la chaîne de production dès 2026.
Le modèle choisi pour cette succursale est le Completely Knocked Down (CKD), qui consiste à assembler les véhicules sur place à partir de pièces détachées.
Cela permet de limiter les coûts d'importation tout en favorisant le développement des compétences locales dans les domaines de l'ingénierie et de la production mécanique. Cela renforce les compétences industrielles d'un pays jusqu'à présent fortement dominé par les champions français et chinois.
Au Sénégal, on se réjouit
Le projet est salué par la presse sénégalaise. L'Allemagne, qui jouit d'une grande reconnaissance en Afrique de l'Ouest, promet un partenariat d'égal à égal et de qualité.
On souhaite ici que la coopération au développement, qui existe depuis des décennies, débouche davantage sur une coopération économique. L'accord conclu en 2023 pour soutenir la transition énergétique au Sénégal a constitué un pas dans cette direction.
La politique et l'économie ne tirent pas dans le même sens
Cela serait également dans l'intérêt de l'Allemagne : la République fédérale a besoin de nouveaux débouchés, de nouvelles sources d'énergie, de main-d'œuvre qualifiée et de travailleurs. L'industrie automobile peut former et produire à des prix avantageux en Afrique, conclure des contrats à long terme, services compris. Mercedes-Benz montre l'exemple.
Mais malgré la promesse du nouveau gouvernement allemand de se concentrer davantage sur l'Afrique, le budget 2025 du ministère chargé de la coopération économique (BMZ) a été réduit d'un milliard d'euros pour l'Afrique.
Or, l'économie constitue justement une base idéale pour un rapprochement germano-africain. Les acteurs classiques de la coopération au développement, tels que l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ), l’Etablissement de crédit pour la reconstruction (KfW) ou les fondations politiques allemandes, peuvent servir de précurseurs et d'ouvriers de la voie.
D'autres pays l'ont compris depuis longtemps et l'ont mis en œuvre. En Afrique de l'Ouest, où l'influence française diminue considérablement, des pays comme la Chine, l'Inde, la Turquie, le Maroc ou le Qatar comblent les vides créés.
Ils veulent exploiter les atouts du Sénégal : énergie, agriculture, minéraux, terres rares, or et argent, ainsi qu'une population et une classe moyenne en pleine croissance qui offrent des débouchés commerciaux et un potentiel de formation.
Et l'Allemagne ? Selon l'Agence fédérale allemande pour le commerce extérieur (GTAI), son commerce extérieur avec l'Afrique a reculé de près de 5 % en 2024, pour s'établir à 58,3 milliards d'Euros.
Une intensification des relations économiques correspondrait également à la vision défendue avec conviction par le ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et de l'Union africaine en mai 2025 à Bruxelles : la triade sécurité, liberté et prospérité.
L'économie peut contribuer à stabiliser les sociétés africaines afin qu'elles puissent mieux se défendre contre les tendances extrémistes, que la migration ne soit plus considérée comme la seule issue possible et que le recours à des formes d'Etat autoritaires diminue.
L'Allemagne et ses entreprises devraient considérer les pays africains comme des alliés dotés d'une volonté créatrice et d'un immense potentiel, et s'imposer comme des partenaires fiables, afin que le projet de Daimler-Truck ne reste pas isolé, mais marque le début d'un développement gagnant-gagnant.
Cet article a été publié pour la première fois le 20 août 2025 dans le Tagesspiegel, quotidien allemand basé à Berlin.